La Journée Internationale des droits des femmes, n’est pas un remake de la Saint-Valentin

Ce n’est pas non plus le seul jour sur les 363 autres où nous aurions une pensée pour les femmes, pour ne pas les oublier…

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Vélo pliant avec cadre numéro.

Tout comme la Journée Internationale des personnes handicapées (3 décembre), la Journée Internationale contre l’homophobie et la transphobie (17 mai), la Journée Nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions (10 mai)… la Journée Internationale des droits des Femmes a été mise en place afin de rappeler que les femmes sont ENCORE victimes de discriminations.

Donc le 8 mars, on pense aux DROITS des femmes.

Pourquoi cette Journée est-elle nécessaire ?

Parce qu’aujourd’hui, dans certains pays, les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes, parce que l’accès à l’éducation pour les filles n’est pas une garantie universelle, parce que l’excision est encore une pratique courante, parce que la pratique du viol est encore tolérée dans plusieurs pays, parce que des milliers des femmes sont mariées de force chaque jour, parce qu’une femme sur trois sera confrontée au moins une fois dans sa vie à des violences (viol, agression ou autre violence).

Parce que 70 ans après le « droit de vote des femmes », en France, en Europe, les mouvements conservateurs font encore pression pour interdire l’avortement, droit durement acquis, en France, en 1972. Parce qu’on interdit (presque) les études sociologiques sur le genre (gender studies en anglais, injustement traduit en « Théorie du genre »). Ce n’est pas juste une régression dans la lutte pour l’égalité, c’est aussi une entrave au travail universitaire. Parce qu’on crie au scandale lorsque l’Education Nationale essaie d’inculquer l’égalité filles-garçons, principe fondateur de notre République et indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. Pourtant, l’éducation est la mère de toutes les grandes batailles.

Parce que nous vivons toujours dans une société patriarcale et que la norme serait toujours l’hétérosexualité. Nous devons lutter contre l’hétérosexisme et la lesbophobie. L’hétérosexisme étant fondé sur une société au principe patriarcale, sur des visions normatives du sexe et du genre. Cette vision mène à un modèle unique masculin/féminin et ne va pas sans une hiérarchie entre les sexes : c’est donc aussi une forme de sexisme, il reproduit et participe à la domination masculine. Ces conceptions normatives mènent à des violences envers les lesbiennes et notamment le viol.

La lutte pour l’égalité femmes-hommes, une vielle histoire, une progression lente

La question des inégalités entre les femmes et les hommes est depuis longtemps un sujet sur lequel des sociologues, des écrivain.ne.s, des historien.ne.s, des militant.e.s … ont cherché à les réduire et à faire progresser l’égalité. De la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges en 1791 à la création du Planning Familial en 1956 (alors sous le nom de La Maternité heureuse) ou quelques années plus tard du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) ; en passant par une des citations devenue référence en la matière « On ne naît pas femme : on le devient » (1949, Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir) ; la lutte contre le sexisme, le mouvement dit du féminisme ou la lutte pour l’égalité femmes-hommes ont changé de visages, mais beaucoup de combats restent les mêmes. Bien sûr aujourd’hui, les femmes peuvent voter (1944), elles peuvent travailler sans demander l’autorisation à leur mari (1965), elles peuvent disposer d’un salaire (normalement) égal à celui des hommes (1972)… Mais les stéréotypes ont la peau dure. La publicité, le monde du travail, la politique… autant d’univers où la femme est représentée de manière uniforme et sexuée : la femme serait sensible et fragile, la femme serait toujours une ménagère, une mère, une épouse… mais plus rarement une entrepreneuse, une intellectuelle, une scientifique…

Alors que certaines problématiques peuvent être solutionnées par l’éducation, la culture, la communication… d’autres ne peuvent être changées sans le recours à la voie législative. Il est alors tout naturel de demander une exemplarité à ceux qui la régisse et plus généralement à la sphère politique, scène publique des représentations femmes-hommes.

La parité, une solution pour lutter contre l’invisibilité des femmes en politique ?

Doit-on passer par la politique du chiffre pour légitimer la place des femmes en politique ? Cette question de légitimité est depuis longtemps un sujet sur lequel les avis et les initiatives divisent. En effet, la question de la parité dans la vie politique et plus particulièrement la représentativité des femmes dans l’exécutif, est depuis plus d’un siècle évoquée. Même si dès 1945, une femme est élue Maire (Odette Roux, Union pour la résistance antifasciste, Sables-d’Olonne), il a fallut attendre 1989, soit plus de 40 ans après le droit de vote des femmes, pour qu’une femme devienne Maire d’une ville de plus de 100 000 habitants (Catherine Trautmann, PS, Strasbourg). En 1991, Edith Cresson est nommée « Première » Ministre et à ce jour, elle demeure la seule femme à avoir été nommée à ce poste. Ségolène Royal, candidate PS aux élections présidentielles de 2007 est, quant à elle, la seule femme à avoir accédé au deuxième tour de ce scrutin (et on connaît le traitement médiatique qu’elle a dû subir durant cette période).

La première loi sur la parité en politique ne voit le jour qu’en 2000. Cette loi module notamment le montant de l’aide publique aux partis politiques en fonction de leur respect de l’application de la parité pour la présentation des candidat.e.s aux élections.

En 2007, la loi est renforcée et prévoit, entre autres, l’instauration d’une obligation de parité pour les exécutifs des régions ainsi que pour ceux des communes de plus de 3 500 habitants. Dans les communes l’obligation de parité concerne les adjoints au maire et dans les régions elle doit s’appliquer pour les vice-président.e.s du Conseil.

A propos de ces lois, certains arguent l’absurdité face à la faible implication des femmes dans le militantisme politique ou bien amènent certains à penser (voir à le dire tel quel) que les femmes n’ont pas le même pouvoir d’ « autorité » que les hommes. Pourtant, selon un sondage publié le 17 février 2014, mené par l’institut de sondage IFOP, à la demande de Femme Actuelle et RTL, 70% des Français voudraient plus de femmes à la tête des mairies. Même s’il est vrai que la progression est lente, ces dispositifs ont permis une plus grande représentativité des femmes à l’Assemblée Nationale (26,9% en 2012 contre 18,5% en 2007) et au Sénat (22,1% en 2011 contre 21,8% en 2008). En ce qui concerne les femmes élues Maire, elles étaient 10,9% en 2001 et 13,9% en 2008. Allons-nous connaître une plus forte progression en mars 2014 ? Ce qui est sûre, c’est qu’une femme prendra la tête de la Capitale, et ça, nous pouvons nous en réjouir.

Cependant, sur les 50 plus grandes villes de France (en nombre d’habitant.e.s), seules sept femmes occupent cette fonction : deux femmes à l’UMP, trois au PS ; une à EELV et une au PC. Par ailleurs, ce dispositif législatif a permis de faire élire beaucoup plus de femmes dans les conseils municipaux (35,8 % des conseillers municipaux élus au scrutin de mars 2008). En revanche, celles-ci n’ont pas forcément accédé à la fonction de Maire (seulement 14,2 % des maires au 31 décembre 2010). En effet, même si la présentation de listes paritaires est acquise, l’ordre présenté sur ces listes suit une étrange logique. Dans la majorité des cas, l’attribution des délégations aux adjoint-e-s est liée à l’ordre de la liste constituée. Mais chaque place est réfléchie. En fonction du réseau et de l’influence de cette personne, en fonction de l’âge, selon la profession, comme récompense d’un soutien fidèle… Selon une étude1 menée par Michel Koebel, maître de conférences en sociologie à l’Université de Strasbourg, « le taux de féminisation dans les premiers rangs d’adjoints varie {également} selon l’appartenance politique : les maires PS parviennent à un taux de féminisation de 43% pour les deux premiers adjoints, alors qu’il n’atteint que 30% chez les maires UMP ». Il ajoute que « la plupart des attributions les plus élevées dans la hiérarchie municipale sont massivement confiées à des hommes. » et que les femmes « sont aussi le plus souvent associées, dans les représentations communes, de la féminité : l’enfance, la petite enfance et la famille, les affaires scolaires et l’éducation… ». Par ailleurs, on pourrait penser que lorsqu’une femme est tête de liste, et élue maire, elle s’emploierait à mettre à « l’honneur » les femmes. Mais cette étude révèle qui l’en est tout autre : « lorsque le maire est une femme (…) l’attribution des rôles va plutôt dans le sens du renforcement de la domination masculine parmi les postes d’adjoints les plus importants ». Ainsi nous pouvons constater une nette « domination masculine » dans l’exécutif local, et cela même avec des listes paritaires. Cette « domination masculine » dans la vie politique locale tend à s’atténuer.

Bref, cette Journée est nécessaire, « le 8 mars, c’est toute l’année ».

Caroline Charles – Secrétaire Générale de République & Diversité