Je suis docteure en Science de l’information et de la communication. Mon premier parcours universitaire remonte aux années 1980-1990 et m’a mené jusqu’au DEA. J’ai repris mes études en 2007 en master 2 Recherche avant d’enchaîner sur une thèse de doctorat intitulée « La construction médiatique des transidentités : une modélisation sociale et culturelle », soutenue le 26 novembre 2012.
Découvrez toute la gamme des célèbres vélos pliants Brompton chez Holland Bikes. Fabriqués en Angleterre et connus partout dans le monde.Mon parcours militant en tant que « personne trans » pour « les droits des personnes trans » remonte au milieu des années 1990. Mon engagement a trouvé ses racines dès la fin de l’enfance dans l’associatif humanitaire comme avec Terre des hommes et Amnistie Internationale. En 1986, j’étais tout aussi engagée dans les grèves étudiantes (idem en 1989), le soutien aux grèves de la faim des sans-papiers avec des pétitions que je faisais signer sous l’étiquette PS. Pour qualifier ma militance, je parlais alors de « lutte contre l’inacceptable ». C’est toujours la définition qui me convient le mieux.
Comment passe-t-on de la militance trans à de la recherche universitaire sur les personnes trans ? J’ai toujours voulu faire de la recherche et mon trajet identitaire doublé de la condition sociale a été un obstacle majeur à ce souhait. Pas d’argent, pas de doctorat en cette année 1994. Issue de l’immigration et du milieu ouvrier, j’étais quand même assez fière de mon parcours universitaire fait avec la force de la volonté. Quand je suis arrivée en France je ne connaissais que deux ou trois mots de français et j’ai grandi dans une cité. Aujourd’hui, c’est devenu important pour moi de localiser ma parole, de dire d’où je viens et d’où je parle.
J’aurais pu faire de la recherche incognito et travailler sur mon sujet de prédilection : la communication politique. Mais j’ai choisi une voie plus difficile en travaillant les questions trans en tant que personne auto identifiée trans. Un autre facteur a joué dans ce choix. En tant qu’immigrée chilienne, une partie de mon enfance j’ai eu le sentiment que des personnes me parlaient comme si j’étais un singe savant. C’était détestable. J’ai eu exactement le même sentiment en tant que personne trans. J’éprouve encore ce sentiment aujourd’hui, en certaines occasions. Nous, personnes trans, étions des objets. Nos mots, nos paroles, nos interpellations restaient inaudibles. Investir l’université était l’un des moyens de prouver que nous étions des individus libres, responsables et doués de raison. Je crois que toutes les personnes et groupes minoritaires opprimés ont ressentis cela un jour.
Les Trans studies anglo-saxonnes m’ont marqué et inspiré. Comment ne pas admirer les parcours de Jacob Hale, de Sandy Stone, de Kate Bornstein, de Susan Stryker parmi tant d’autres ? Ils étaient à mes yeux la preuve vivante qu’on pouvait se défaire du statut d’objet et devenir des Sujets de savoir. J’avais envie que des productions trans viennent faire débat avec les écrits maltraitants que nous connaissons bien. Ma recherche universitaire est engagée car mon sujet de recherche est critique et que je produis des contre-discours depuis une position subalterne et comme membre d’une minorité opprimée. C’est dit.
Je pense sans arrêt à ce qu’ont pu être les premiers parcours universitaires ou politiques pour les femmes, les féministes, les non-blancs, les non-hétéros, les non-valides, etc. C’est une profonde émotion de respect et de révolte qui m’étreint. Respect pour leur abnégation et révolte contre la société inégalitaire qui nous a menés dans cette lutte dont on ne sort jamais tout à fait indemne. En intra, nous devons pareillement interroger de façon franche mais apaisée, les intersectionnalités dans nos parcours. Si je n’avais pas eu la peau blanche ou une facilité à apprendre le français, mon parcours aurait-il été le même ? Raisonnablement, je ne pense pas. Cela aurait été beaucoup plus dur encore. Un exemple, qui montre qu’il faudra interroger très rapidement la condition des personnes trans étrangères et racisées, y compris en situation de prostitution ou de travail du sexe, ainsi que leur place dans nos revendications comme dans nos études.
Il faut aussi lutter contre l’idée reçu qu’en entrant dans l’université on se trahit soi-même et ses luttes. Je le répète souvent, mais cette idée est contreproductive. Cela voudrait dire qu’en tant que femme, féministe, personne non-blanche, non-valide, non hétérosexuelle, etc., on trahirait son genre, sa classe sociale, sa couleur de peau, son orientation sexuelle, etc. Peut-on sérieusement mettre de côté l’idée que pour un grand nombre d’entre nous, l’université est un terrain de guérilla ?